N’ayant pas pour habitude de lésiner sur la dépense quand c’est offert de bonne grâce, j’ai décidé de répondre favorablement à l’invitation qu’on m’a faite de venir rehausser de ma gloire les gradins du temple de Sclessin. C’était mardi dernier à l’heure du souper et de gloire, hormis moi, il n’y en eut point.
La compagne campagnarde m’accompagnant se plaignit tout d’abord du nombre de fumeurs l’entourant de leurs volutes, puis elle disparut jusqu’à la fin de la rencontre en compagnie de quelques hurluberlus qu’elle s’était mise en devoir de convertir à la nourriture bio, surtout pour les saucisses.
Ses abandons firent de moi un homme seul de l’aube au crépuscule de ce match. Je me suis intéressé aux spectateurs plutôt qu’au spectacle, ce dernier étant des plus pauvres. A ma grande surprise, ce fut un peu plus distrayant que le sacre du printemps version short et jambières, du moins pendant les quelques premières minutes, la routine reprenant très vite son droit de cuissage. Néanmoins, il y eut quelques situations très chaudes, dont un renversement intempestif de mayonnaise sur vareuse rouge et un lancer d’avion en papier du plus bel effet.
Me voilà donc assis inconfortablement, voyant à travers de grosses rambardes rouges quelques individus coiffés à la diable gigoter de concert dans une cacophonie d’insultes plus ou moins fleuries. Je me tournai à gauche vers mon voisin de droite, Didier R., qui aimerait voter pour le Vlaams Belang mais qui ne peut pas parce qu’il est Wallon, pour lui demander si le début est pour bientôt, ce à quoi il répondit que la représentation était commencée depuis belle lurette, mais que si je m’embêtais, il y avait une fille de ferme pas bégueule qui faisait des trucs coquins aux toilettes.
Je me sentais enfermé dans une prison temporelle, avec des secondes qui duraient chacune une seconde et des heures à l’avenant, j’ai compris le calvaire de Gilbert B. et me suis excusé mentalement de toutes les quiches que j’ai pu lui envoyer à la figure à l’occasion de son transfert à Dinant. Il était simplement nostalgique et voulait retrouver quatre murs solides, une vie sexuelle fantaisiste, et des grottes de han han humides, obscures et profondes.
Cheminant désormais dans mes pensées libidineuses, je ne jetai plus que quelques regards discrets et sporadiques vers la pelouse et mon esprit s’égara vers d’autres gazons plus verts ailleurs, plus intimes et plus prometteurs.
C’est alors que la fermière en folie est réapparue, apparemment rassasiée vu le nombre de supporters somnolents aux alentours. Au départ de l’aventure, je devais m’amuser pendant qu’elle s’ennuyait et pas le contraire.
Pour mon malheur, j’y retourne ce soir et c’est elle qui m’invite.